La violation d’une clause de médiation peut rester impunie en droit français : que faire ?

La Cour de cassation française («Cour de cassation”) a statué (1St Février 2023, non. 21-25.024) que la violation d’une clause de médiation n’est pas une question de compétence et, à ce titre, ne peut entraîner l’annulation d’une sentence dans laquelle un tribunal a conservé sa compétence, même si le processus de médiation n’a pas été mis en œuvre préalablement à la procédure d’arbitrage.

On peut penser qu’après cet arrêt, la violation d’une clause de médiation ne peut être sanctionnée à sa juste valeur. Cependant, plusieurs motifs peuvent être invoqués pour faire appliquer une clause de médiation.

Contexte factuel

En l’espèce, plusieurs associés d’une société française ont accepté une clause med-arb. Un différend est né et une procédure d’arbitrage interne a été engagée. L’une des parties a invoqué l’absence de conclusion d’une médiation préalable pour rejeter les prétentions des autres parties.

Après avoir invité les parties à passer par une médiation parallèlement à l’arbitrage, le tribunal arbitral a rendu une sentence partielle le 10 septembre 2018, par laquelle il a conservé sa compétence.

Cette sentence partielle a été contestée devant la cour d’appel de Paris, qui a annulé la sentence par une décision du 23 novembre 2021, au motif que le tribunal arbitral n’aurait pas dû conserver sa compétence dès lors que la procédure de médiation préalable n’avait pas été correctement menée. Il convient de rappeler qu’en l’espèce, la partie qui contestait la sentence avait déjà soulevé la violation de la clause de médiation avant la sentence arbitrale, se conformant ainsi à l’article 1466 du Code de procédure civile (« CPC »), selon à laquelle « une partie qui, sciemment et sans motif valable, omet de soulever une irrégularité devant le tribunal arbitral en temps utile est réputée avoir renoncé à son droit de le faire ». Lors de l’annulation de la sentence, la cour d’appel de Paris a estimé que le non-respect de la clause de médiation n’est pas une question de recevabilité ne relevant pas de la compétence de la cour d’appel, mais constitue une circonstance de l’espèce qui doit être prise en compte afin d’apprécier la violation de l’article 1492, paragraphe 1, du CPP qui permet l’annulation si « le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ».

Décision de la Cour de cassation française

La décision de la Cour d’appel a été récemment annulée par la Cour de cassation française qui a jugé que le non-respect d’une clause de médiation est une question de recevabilité et non de compétence. A ce titre, une sentence ne peut être annulée pour ce seul motif, dans la mesure où la contestation d’une sentence en droit français ne peut être fondée que sur les motifs limités prévus à l’article 1492 du CPPparmi lesquels la recevabilité d’une réclamation n’est pas mentionnée.

Discussion

Cette solution est bien établie en droit français (voir par exemple, Cour d’appel de Paris, 28 juin 2016, n° 15/03504; le Rusoro cas autre Cengiz c. Lybie), notamment dans l’arbitrage en matière d’investissement. Sur ce dernier point et plus précisément, la Cour de cassation a refusé de considérer que les questions liées à la date de l’investissement (voir Oschadbank cas), à sa licéité (voir Cengiz cas et le Nurol cas), ou sa légalité (voir Aboukhalil cas) relèvent de la compétence et ont plutôt considéré qu’elles concernaient la recevabilité de la demande.

Cette position du Cour de cassation est conforme aux grands principes de la procédure civile, dans la mesure où d’un point de vue technique et conformément aux articles 122 à 126 du CPP, la violation d’une clause de médiation est bien une fin de non réception. Cette position est également conforme à l’interprétation stricte des motifs d’annulation et au principe d’interdiction de la révision de la sentence au fond par le juge de l’annulation, qui ne peut pas réévaluer si une demande est irrecevable ou non. Cette appréciation relève exclusivement du tribunal arbitral.

Or, cette position contrevient manifestement à la volonté explicite des parties de recourir à une médiation comme étape préalable à l’arbitrage, et plus particulièrement à la force obligatoire du contrat.

Implications pour les praticiens

Concrètement, l’affaire implique qu’une partie qui a accepté une clause de médiation peut violer la clause de médiation sans que la partie adverse puisse contester la sentence au motif que la clause de médiation n’a pas été mise en œuvre.

La question qui en découle est la suivante : comment peut-on sanctionner la violation d’une clause contractuelle de médiation ?

On peut soutenir qu’un tribunal qui a jugé recevable la demande d’une partie alors qu’aucun processus de médiation préalable n’a été engagé a outrepassé son mandat, en ce sens qu’il n’a pas donné plein effet à la volonté de la partie. En effet, le mandat d’un tribunal arbitral découle de la volonté des parties qui, en présence d’une clause med-arb, ont convenu que le différend ne serait tranché par un tribunal arbitral qu’après une tentative de médiation. Arbitrer le différend prématurément constitue donc une violation par le tribunal de son mandat.

On peut également soutenir que le caractère contraignant du contrat, ainsi que le principe exigeant l’exécution de bonne foi du contrat (les deux principes étant reconnus dans tous les systèmes juridiques, qu’ils soient de droit civil ou de droit commun) sont d’ordre public (transnational) , et à ce titre, une sentence arbitrale dérogeant à une clause contractuelle de médiation est contraire à l’ordre public.

A ce jour, et à notre connaissance, le Cour de cassation n’a pas considéré que la violation d’une clause de médiation constitue soit une violation du mandat du tribunal, soit de l’ordre public. Il pourrait donc être intéressant pour les Cour de cassation d’adopter l’une de ces interprétations afin de garantir l’exécution d’une clause de médiation préalable.

Conclusion

On pourrait également être tenté de suggérer de modifier les articles 1492 et 1520 du Code de procédure civile afin d’inclure l’irrecevabilité parmi les motifs d’annulation mais cela pourrait conduire à la révision au fond de la sentence par le juge de l’annulation. En conséquence, et dans l’attente d’une modification du Code de procédure civile français et/ou d’un revirement de la jurisprudence française actuelle, les arbitres devraient être exclusivement chargés de la mise en œuvre d’une clause de médiation (sans contrôle ultérieur par le juge de l’annulation) et devraient être encouragés à déclarer une demande irrecevable lorsqu’une clause de médiation n’a pas été correctement mise en œuvre.

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